Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/501

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succès, & qu’il put donner des établissemens considérables à ceux qui l’avoient suivi, les Francs accoururent à lui de toutes les tribus, & les autres chefs se trouverent trop foibles pour lui résister. Il forma le dessein d’exterminer toute sa maison, & il y réussit[1]. Il craignoit, dit Grégoire de Tours[2] ; que les Francs ne prissent un autre chef. Ses enfans & ses successeurs suivirent cette pratique autant qu’ils purent : on vit sans cesse le frere, l’oncle, le neveu ; que dis-je ? le fils, le pere, conspirer contre toute la famille. La loi séparoit sans cesse la monarchie ; la crainte, l’ambition & la cruauté vouloient la réunir.


CHAPITRE XXX.

Des assemblées de la nation, chez les Francs.


ON a dit, ci-dessus, que les peuples qui ne cultivent point les terres jouissoient d’une grande liberté. Les Germains furent dans ce cas. Tacite dit qu’ils ne donnaient à leurs rois ou chefs qu’un pouvoir très-modéré[3] : & César[4], qu’ils n’avoient point de magistrat commun pendant la paix ; mais que, dans chaque village, les princes rendaient la justice entre les leurs. Aussi les Francs, dans la Germanie, n’avoient-ils point de roi, comme Grégoire de Tours[5] le prouve très-bien.


  1. Grégoire de Tours, liv. II.
  2. Ibid.
  3. Nec regibus libera aut infinita potestas. Cætvterùm neque animadvertere, neque vincire, neque verberare, &c., De morib. Germ.
  4. In pace nullus est communis magistratus ; sed principes regiomum atque pagorum inter suos jus dicunt. De bel.o Gall. liv. VI.
  5. Liv. II.