Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/519

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mes sacremens, semble demander que tout s’unisse : les rites des Chinois semblent ordonner que tout se sépare.

Et, comme on a vu que cette séparation[1] tient en général à l’esprit du despotisme, on trouvera, dans ceci, une des raisons qui sont que le gouvernement monarchique & tout gouvernement modéré s’allient mieux[2] avec la religion chrétienne.


CHAPITRE XIX.

Comment s’est faite cette union de la religion, des loix, des mœurs & des manieres, chez les Chinois.


LES législateurs de la Chine eurent pour principal objet du gouvernement la tranquillité de l’empire. La subordination leur parut le moyen le plus propre à la maintenir. Dans cette idée, ils crurent devoir inspirer le respect pour les peres : & ils rassemblerent toutes leurs forces pour cela ; ils établirent une infinité de rites & de cérémonies, pour les honorer pendant leur vie & après leur mort. Il étoit impossible de tant honorer les peres morts, sans être porté à les honorer vivans. Les cérémonies pour les peres morts avoient plus de rapport à la religion ; celles pour les peres vivans avoient plus de rapport aux loix, aux mœurs & aux manieres : mais ce n’étoit que les parties d’un même code, & ce code étoit très-étendu.

Le respect pour les peres étoit nécessairement lié avec tout ce qui représentoit les peres, les vieillards, les maîtres, les magistrats, l’empereur. Ce respect pour les peres supposoit un retour d’amour pour les enfans ; &, par conséquent, le même retour des vieillards aux jeunes

  1. Voyez le livre IV, chapitre III ; & le livre XIX, chapitre XII.
  2. Voyez ci-dessous, le livre XXIV, chap. III.