Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/533

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il chercheroit toujours à s’attirer le respect du peuple, il se distingueroit par une vie plus retirée, une conduite plus réservée, & des mœurs plus pures.

Ce clergé ne pouvant protéger la religion, ni être protégé par elle, sans force, pour contraindre, chercheroit à persuader : on verroit sortir de sa plume de très-bons ouvrages, pour prouver la révélation & la providence du grand être.

Il pourroit arriver qu’on éluderoit ses assemblées, & qu’on ne voudroit pas lui permettre de corriger ses abus même ; & que, par un délire de la liberté, on aimeroit mieux laisser sa réforme imparfaite, que de souffrir qu’il fût réformateur.

Les dignités, faisant partie de la constitution fondamentale, seroient plus fixes qu’ailleurs : mais, d’un autre côté, les grands, dans ce pays de liberté, s’approcheroient plus du peuple ; les rangs seroient donc plus séparés, & les personnes plus confondues.

Ceux qui gouvernent ayant une puissance qui se remonte, pour ainsi dire, & se refait tous les jours, auroient plus d’égard pour ceux qui leur sont utiles, que pour ceux qui les divertissent : ainsi on y verroit peu de courtisans, de flatteurs, de complaisans, enfin de toutes ces sortes de gens qui font payer aux grands le vuide même de leur esprit.

On n’y estimeroit gueres les hommes par des talens ou des attributs frivoles, mais par des qualités réelles ; & de ce genre, il n’y en a que deux, les richesses & le mérite personnel.

Il y auroit un luxe solide, fondé, non pas sur le rafinement de la vanité, mais sur celui des besoins réels ; & l’on ne chercheroit gueres, dans les choses, que les plaisirs que la nature y a mis.

On y jouiroit d’un grand superflu, & cependant les choses frivoles y seroient proscrites : ainsi plusieurs ayant plus de bien que d’occasions de dépense, l’emploieroient d’une maniere bizarre : &, dans cette nation, il y auroit plus d’esprit que de goût.

Comme on seroit toujours occupé de ses intérêts,