Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/548

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Cette loi est très-bonne pour les affaires[1] civiles ordinaires ; mais nous avons raison de ne point l’observer dans celles du commerce. Car les négocians étant obligés de confier de grandes sommes pour des temps souvent fort courts, de les donner & de les reprendre, il faut que le débiteur remplisse toujours au temps fixé ses engagemens ; ce qui suppose la contrainte par corps.

Dans les affaires qui dérivent des contrats civils ordinaires, la loi ne doit point donner la contrainte par corps ; parce qu’elle fait plus de cas de la liberté d’un citoyen, que de l’aisance d’un autre. Mais, dans les conventions qui dérivent du commerce, la loi doit faire plus de cas de l’aisance publique, que de la liberté d’un citoyen ; ce qui n’empêche pas les restrictions & les limitations que peuvent demander l’humanité & la bonne police.


CHAPITRE XVI.

Belle loi.


LA loi de Geneve qui exclut des magistratures, & même de l’entrée dans le grand conseil, les enfans de ceux qui ont vécu ou qui sont morts insolvables, à moins qu’ils n’acquittent les dettes de leur pere, est très-bonne. Elle a cet effet, qu’elle donne de la confiance pour les négocians ; elle en donne pour les magistrats ; elle en donne pour la cité même. La foi particuliere y a encore la force de la foi publique.

  1. Les législateurs Grecs étoient blâmables, qui avoient défendu de prendre en gage les armes & la charrue d’un homme, & permettoient de prendre l’homme même. Diodore, liv. I, part. II, chap. III.