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dans le midi. Or, les peuples du même climat ayant chez eux à peu près les mêmes choses, n’ont pas tant de besoin de commercer entre eux, que ceux d’un climat différent. Le commerce en Europe étoit donc autrefois moins étendu qu’il ne l’est à présent.

Ceci n’est point contradictoire avec ce que j’ai dit de notre commerce des Indes : la différence excessive du climat fait que les besoins relatifs sont nuls.


CHAPITRE V.

Autres différences.


LE commerce, tantôt détruit par les conquérans, tantôt gêné par les monarques, parcourt la terre, fuit d’où il est opprimé, se repose où on le laisse respirer : il regne aujourd’hui où l’on ne voyoit que des déserts, des mers & des rochers ; là où il regnoit, il n’y a que des déserts.

A voir aujourd’hui la Colchide, qui n’est plus qu’une vaste forêt, où le peuple, qui diminue tous les jours, ne défend sa liberté que pour se vendre en détail aux Turcs & aux Persans ; on ne diroit jamais que cette contrée eût été, du temps des Romains, pleine de villes où le commerce appelloit toutes les nations du monde. On n’en trouve aucun monument dans le pays ; il n’y en a de traces que dans Pline[1] & Strabon[2].

L’histoire du commerce est celle de la communication des peuples. Leurs destructions diverses, & de certains flux & reflux de populations & de dévastations, en forment les plus grands événemens.


  1. Liv. VI.
  2. Liv. II.