Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/580

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mates situé à l’entrée de la mer Rouge[1], la côte n’avoit point été reconnue par les navigateurs : & cela est clair par ce que nous dit Artémidore[2], que, l’on connoissoit les lieux de cette côte, mais qu’on en ignoroit les distances ; ce qui venoit de ce qu’on avoit successivement connu ces ports par les terres, & sans aller de l’un à l’autre.

Au-delà de ce promontoire ou commence la côte de l’océan, on ne connoissoit rien, comme nous[3] l’apprenons d’Eratosthene & d’Artémidore.

Telles étoient les connoissances que l’on avoit des côtes d’Afrique du temps de Strabon, c’est-à-dire, du temps d’Auguste. Mais, depuis Auguste, les Romains découvrirent le promontoire Raptum & le promontoire Prassum, dont Strabon ne parle pas, parce qu’ils n’étoient pas encore connus. On voit que ces deux noms sont Romains.

Ptolomée le géographe vivoit sous Adrien & Antonin Pie ; & l’auteur du Périple de la mer Erythrée, quel qu’il soit, vécut peu de temps après. Cependant le premier borne l’Afrique[4] connue au promontoire Prassum, qui est environ au quatorzieme degré de latitude sud : & l’auteur du Périple[5] au promontoire Raptum, qui est à peu près au dixieme degré de cette latitude. Il y a apparence que celui-ci prenoit pour limite un lieu où l’on alloit, & Ptolomée un lieu où l’on n’alloit plus.

Ce qui me confirme dans cette idée, c’est que les peuples autour du Prassum étoient antropophages[6].


  1. Ce golfe, auquel nous donnons aujourd’hui ce nom, étoit appellé, par les anciens, le sein Arabique : ils appelloient mer Rouge la partie de l’océan voisine de ce golfe.
  2. Strabon, liv. XVI.
  3. Strabon, liv. XVI. Artémidore bornoit la côte connue au lieu appellé Austricornu ; & Eratosthene, ad Cinnamomferam.
  4. Liv. I, ch. VII ; liv. IV, chap. IX ; table IV de l’Afrique.
  5. On a attribué ce périple à Arrien.
  6. Ptolomée, livre IV, chapitre IX.