Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/79

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républicain, le peuple en corps a la souveraine puissance. Dans le monarchique, un seul gouverne par des loix fondamentales. Dans le despotique, on ne connoît d’autre loi que la volonté du maître, ou plutôt du tyran. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait dans l’univers que ces trois especes d’états ; ce n’est pas à dire même qu’il y ait des états qui appartiennent uniquement & rigoureusement à quelqu’une de ces formes ; la plupart sont, pour ainsi dire, mi-partis ou nuancés les uns des autres. Ici, la monarchie incline au despotisme ; là, le gouvemement monarchique est combiné avec le républicain ; ailleurs, ce n’est pas le peuple entier, c’est seulement une partie du peuple qui fait les loix. Mais la division précédente n’en est pas moins exacte & moins juste. Les trois especes de gouvernement, qu’elle renferme, sont tellement distinguées, qu’elles n’ont proprement rien de commun ; &, d’ailleurs, tous les états que nous connoissons participent de l’une ou de l’autre. Il étoit donc nécessaire de former, de ces trois especes, des classes particulieres, & de s’appliquer à déterminer les loix qui leur sont propres. Il sera facile ensuite de modifier ces loix dans l’application à quelque gouvernement que ce soit, selon qu’il appartiendra plus ou moins à ces différentes formes.

Dans les divers états, les loix doivent être relatives à leur nature, c’est-à-dire, à ce qui les constitue ; & à leur principe, c’est-à-dire, à ce qui les soutient & les fait agir : distinction importante, la clef d’une infinité de loix, & dont l’auteur tire bien des conséquences.

Les principales loix relatives à la nature de la démocratie sont que le peuple y soit, à certains égards, le monarque ; à d’autres le sujet ; qu’il élise & juge ses magistrats ; & que les magistrats, en certaines occasions, décident. La nature de la monarchie demande qu’il y ait, entre le monarque & le peuple, beaucoup