Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment qu’on se rend esclave, toutes les possessions appartiennent au maître : or une vente sans prix est aussi chimérique qu’un contrat sans condition. Il n’y a peut-être jamais eu qu’une loi juste en faveur de l’esclavage ; c’étoit la loi Romaine, qui rendoit le débiteur esclave du créancier : encore cette loi, pour être équitable, devoit borner la servitude quant au degré & quant au temps. L’esclavage peut, tout au plus, être toléré dans les états despotiques, où les hommes libres, trop foibles contre le gouvernement, cherchent à devenir, pour leur propre utilité, les esclaves de ceux qui tyrannisent l’état ; ou bien dans les climats dont la chaleur énerve si fort le corps & affoiblit tellement le courage, que les hommes n’y sont portés à un devoir pénible que par la crainte du châtiment.

À côté de l’esclavage civil, on peut placer la servitude domestique, c’est-à-dire celle où les femmes sont dans certains climats. Elle peut avoir lieu dans ces contrées de l’Asie où elles sont en état d’habiter avec les hommes avant que de pouvoir faire usage de leur raison ; nubiles par la loi du climat, enfans par celle de la nature. Cette sujétion devient encore plus nécessaire dans les pays où la polygamie est établie : usage que M. de Montesquieu ne prétend par justifier dans ce qu’il a de contraire à la religion ; mais qui, dans les lieux où il est reçu (& à ne parler que politiquement), peut être fondé, jusqu’à un certain point, ou sur la nature du pays, ou sur le rapport du nombre des femmes au nombre des hommes. M. de Montesquieu parle, à cette occasion, de la répudiation & du divorce ; & il établit, sur de bonnes raisons, que la répudiation, une fois admise, devroit être permise aux femmes comme aux hommes.

Si le climat a tant d’influence sur la servitude domestique & civile, il n’en a pas moins sur la servitude politique, c’est-à-dire, sur celle qui soumet un peuple à un