Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/295

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Le plus adorable mystère Est le mystère de l’Amour. Point de salut hors de Cythère.

Aimez, sur ma parole, Mademoiselle ; je sais ce qui en est. 5

Goûtez ce plaisir extrême : C’est la seule félicité. Il fait le bonheur des Dieux mêmes Et leur ôte l’ennui de l’immortalité.

512* (1o48. II, f°6o).—Je suis désolé. Figure-toi 10 que je suis encore dans l’horrible état où nous étions quand nous nous séparâmes. T’en souviens-tu bien, ma chère enfant ? Ton trouble te permit-il de t’apercevoir de tout le mien. Je ne te parle plus de ce jour que nous passâmes dans les larmes, mais de ce cruel i5 moment où on nous arracha et la douceur de pleurer et la consolation de nous plaindre. Te souvienstu de cette Junon qui nous étudioit sans cesse et cherchoit nos soupirs jusques dans notre cœur ? Te souviens-tu de ce corsaire qui portoit la cruauté ao jusqu’à vouloir nous réjouir ? Que je souffris ! Encore, si j’avois pu, en te quittant, te bien peindre mon désespoir, j’aurois trouvé de la consolation à te faire voir que je ne suis pas indigne de tout ton amour. Je crains toujours de ne t’avoir pas fait con- a5 noître tout le mien. Je t’ai dit un million de fois que je t’aime avec fureur. Je crois toujours ne te l’avoir pas assez dit, et je voudrois mourir en te le disant.