Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/350

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appeloient leurs sectateurs, qui fuyoient ; on les laissoit pleurer seuls, au milieu de la joye publique.

Aujourd’hui, le Mahométisme et le Christianisme, uniquement faits pour l’autre vie, anéantissent toute 5 celle-ci. Et, pendant que la Religion nous afflige, le Despotisme, partout répandu, nous accable.

Ce n’est pas tout. D’affreuses maladies, inconnues à nos pères, se sont jetées sur la Nature humaine, et ont infecté les sources de la vie et des plaisirs.

10 On a vu les grandes familles d’Espagne1, qui avoient échappé à tant de siècles, périr en grande partie de nos jours : ravage que la guerre n’a point fait, et qui ne doit être attribué qu’à un mal trop commun pour être honteux, et qui n’est plus que

i5 funeste.

589* (16o7. II, f° 46o v°). — Ce qui me charme dans les premiers temps, c’est une certaine simplicité de mœurs, une naïveté de la nature, que je ne trouve que là, et qui n’est plus à présent dans le Monde a0 (au moins que je sache) chez aucun peuple policé.

J’aime à voir dans l’Homme lui-même des vertus qu’une certaine éducation ou religion n’ont point inspirées ; des vices que la mollesse et le luxe n’ont point faits.

a5 J’aime à voir l’innocence rester encore dans les coutumes, lorsque la grandeur du courage, la fierté, la colère, l’ont chassée des cœurs mêmes. J’aime à voir les Roix plus forts, plus courageux

1. Mis (je crois) dans les Loix.