Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tournoi, où ils avoient été invités. Le roi Jean, son fils, commence son règne par faire enlever le comte d’Eu, connétable de France, la fleur de la chevalerie de ce temps-là, et le fait décapiter en sa 5 présence sans formalité de justice. Je dis qu’il faut que ces choses ne fissent pas tant d’impression dans ce temps-là, où les seigneurs eux-mêmes étoient accoutumés à faire des coups pareils d’autorité contre leurs vassaux ou autres qu’il leur plairoit,

10 comme il paroît par mille exemples et, entre autres, par l’exemple du démêlé d’Enguerrand de Couci et de saint Louis, que ce roi fit prendre et juger pour avoir fait pendre, sans formalité de justice, trois Flamands, chasseurs dans la forêt de Couci.

i5 Je dirai ensuite que les Chartres rapportées par Boulainvilliers sont curieuses en ce qu’elles nous donnent idée de l’origine de notre droit françois, et de la forme de la justice royale et des seigneurs, et des changements qui s’y sont faits, et par quelle

20 voye on est venu à ces changements. Ainsi il faut les voir ; j’en ferai l’extrait.

Il faut remarquer que les Roix ne s’élevèrent principalement que par les profits immenses qu’ils firent sur la monnoye ; qui alloient si loin qu’ils triploient

25 souvent et quadruploient à leur profit tout l’argent des particuliers. Cela les mit en état d’acheter partout villes, terres, châteaux, seigneuries, comtés, duchés. Cela les rendit plus riches souvent que tous les seigneurs ensemble. Les remèdes mêmes qu’y

3o apportoient les états ne faisoient qu’augmenter le mal : ils établissoient des subsides pour que le Roi