Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/376

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On voyoit, pour la première fois, à la cour de France, régner cette douceur de mœurs que l’amour inspire même aux nations barbares, et, pendant que tant de héros portoient la guerre au bout de 5 l’Univers, le Roi languissoit dans la mollesse et les plaisirs.

Jamais femme ne porta plus loin cet empire souverain que donne la beauté. Elle régna sur le cœur de son mari, comme sur celui de son amant.

10 L’amour fit pardonner le crime, taire le désespoir, étouffer la vengeance ; les plaintes étoient des prières ; les reproches, des larmes ; Foulques étoit plus tendre à mesure qu’il étoit plus outragé. Bientôt vinrent les querelles avec les Anglois. La

i5 haine que l’on conçut pour eux fut cause que l’on n’eut longtemps aucune jalousie de l’agrandissement des Roix, et que l’on s’empressa même à les mettre en état de leur résister. Dès qu’ils furent chassés, les fondements de la

20 grandeur royale se trouvèrent élevés, et les Seigneurs admirèrent comment ils avoient pu ainsi passer, sans moyen (sic), d’une si extrême licence à une si extrême servitude. Qu’on voye le règne de Charles VII et celui de Louis XI, on diroit

25 que c’est un autre peuple qui est gouverné. Le pouvoir arbitraire s’élève et se forme dans un instant. A la fin de ce dernier règne, il n’y avoit pas un seigneur qui pût être assuré de n’être pas assassiné.

3o Une des choses que l’on doit remarquer en France, c’est l’extrême facilité avec laquelle elle