Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/381

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inquiet, actif et caché, ne pouvoit être arrêté que par la crainte ; que, pour sa justice, on ne devoit en juger que par celle qu’il rendoit à son frère, et, de sa modération, par ses attentats contre le feu Roi ; qu’il avoit signalé son enfance par des déso- 5 béissances et mérité des punitions au-dessus de son âge ; qu’à l’âge de onze ans il s’étoit fait chef de parti ; que, dans les guerres des Anglois, on avoit disputé pour le choix d’un seigneur, mais qu’à présent il n’y avoit plus à choisir, sinon entre la 10 conservation de ses droits ou la sujétion.

Personne ne fut si aisé à persuader que le comte de Charolois. Ces deux princes s’étoient vus, s’étoient connus. Nés pour être inégaux en dignité, mais presque égaux en puissance, ils nourrissoient i5 les semences d’une grande haine pendant tout le temps que le Dauphin jouit, dans les terres de Bourgogne, du seul asile qu’il eût sur la Terre. Il (sic) avoit été insulté par les ambassadeurs du Roi jusque dans le palais du Duc, son père, et ce 20 prince, qui avoit toutes les passions, excepté les petites, ne pouvoit dévorer cet affront.

Le Comte, qui avoit envoyé dire au Roi qu’il l’en feroit repentir avant la fin de l’année, saisit avec avidité cette occasion. Il entra dans la Ligue. La 2b haine publique l’eut bientôt formée. Le Roi ne vit de tous côtés que des ennemis : le duc de Bourgogne, le duc de Bretagne, le duc de Bourbon, une infinité d’autres seigneurs ; et (ce qui acheva de le confondre) Monsieur s’évada de la Cour et alla 3o porter dans le parti ennemi un grand nom, de la