Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/393

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Lorsque le duc de Mayenne pendit les Seize, il suivit la justice, et non pas la politique : il ôta cet esprit de faction qui l’avoit élevé, et toute la chaleur qui animoit son parti. La perte des batailles peut se réparer ; mais l’esprit d’une faction qui décline ne 5 peut guère se rétablir. Bientôt cette opposition infinie dans l’esprit des deux partis ne fut plus la même, surtout lorsque le roi d’Espagne eut découvert ses desseins et demandé la couronne pour sa fille : tout ligueur outré fut regardé comme i° traître.

Il est certain que, si Philippe avoit porté uniquement les intérêts du duc de Mayenne, s’il l’avoit fait roi, comme il pouvoit le faire, il auroit rendu les Maisons de Lorraine et de Bourbon éternellement i5 rivales et contraint le Roi de rester dans sa religion. Mais le destin de la France voulut qu’il ne prît pas ce parti, que même la faction fût divisée, et que la Maison de Lorraine ne le fût pas moins.

Pendant que la Maison de Lorraine préparoit sa 20 puissance, et qu’elle formoit dans le royaume une nouvelle monarchie, les Huguenots, soulagés du poids de la puissance royale, pouvoient se diviser impunément et donner à leurs ennemis des avantages qui, dans tout autre temps, les auroient perdus 25 sans ressource.

Henri se convertit et ne vit rien de plus sacré que sa couronne.