Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/445

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arrivé dans la Nation françoise. — A mesure que la puissance royale se fortifia, la Noblesse quitta ses terres. Ce fut la principale cause du changement de mœurs qui arriva dans la Nation. On laissa les mœurs simples du premier temps, pour les vanités des 5 villes; les femmes quittèrent la laine et méprisèrent tous les amusements qui n’étoient pas des plaisirs.

Le désordre ne vint qu’insensiblement. Il commença sous François Ier ; il continua sous Henri II. Le luxe et la mollesse des Italiens l’augmenta sous i° les régences de la reine Catherine. Sous Henri III, un vice qui n’est malheureusement inconnu qu’aux nations barbares se montra à la Cour. Mais la corruption et l’indépendance continua dans un sexe qui, quelquefois, tire avantage des mépris 25 mêmes. Jamais le mariage ne fut plus insulté que sous Henri IV. La dévotion de Louis XIII fixa le mal où il étoit ; la galanterie grave d’Anne d’Autriche l’y laissa encore ; la jeunesse de Louis XIV l’accrut ; la sévérité de sa vieillesse le suspendit ; *° ses (sic) digues furent rompues à sa mort.

Les filles n’écoutèrent plus les traditions de leurs mères. Les femmes, qui ne venoient auparavant que par degrés à une certaine liberté, l’obtinrent tout entière dès les premiers jours du mariage. Les »5 femmes et la jeunesse oisive veillèrent toutes les nuits, et souvent le mari commençoit le jour où sa femme le finissoit. On ne connut plus les vices ; on ne sentit que les ridicules, et on mit au nombre de ces ridicules une modestie gênante ou une vertu 3o timide.