Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/464

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Ciel, qui, étant éternel, voit toutes les créatures passer devant lui. Mais il se conduit avec autant d’ordre et de règle que si sa puissance étoit dépendante. »

5 652*(1987. III, f° 282). — Quant aux conquérants, je leur dirai que c’est une qualité commune d’aimer la guerre ; qu’il y a beaucoup de princes belliqueux, comme il y a beaucoup de particuliers qui ont une passion violente d’acquérir ; que ce seroit la modé

10 ration qui,comme la vertu la plus rare, devroit faire le héroïsme (sic) ; qu’il n’est pas étonnant que tant de princes ayent cherché à se rendre célèbres par leurs entreprises sur leurs voisins, n’y ayant rien de si aisé que de se laisser entraîner par ses passions, au

i5 lieu que le rôle d’un prince modéré et juste est d’autant plus laborieux qu’il n’est que raisonnable ; que ces sortes de vertus coûtent beaucoup aux princes, parce qu’elles sont réelles. Je pardonne à Pompée, à César et aux autres magistrats de Rome, d’avoir

20 aimé la guerre, parce que c’étoit le seul moyen qu’ils eussent pour sortir de leur médiocrité ; je pardonne à Alexandre et à Charlemagne d’avoir aimé la guerre ; mais je ne puis comprendre que des princes qui ne sortent pas de leur palais puissent l’aimer.

25 Un prince hasarde si fort son état par la guerre qu’il ne peut être dédommagé du péril qu’il court que par des lauriers cueillis de ses propres mains. Je puis citer l’exemple de Louis XIII, qui ne fit si longtemps la guerre que pour la gloire du cardinal de Richelieu,

3o et qui, dans le cours de tant de prospérités, vit toujours