Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/466

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655* (199o. III, f° 284). — Il y a eu des princes qui, manquant de force ou de courage pour se signaler contre leurs voisins, tournent toute leur ambition contre leurs sujets. Ils ont une grande idée d’eux5 mêmes, parce qu’ils ont su porter plus loin leur autorité que leurs prédécesseurs. En vérité, ils ont bien raison de se féliciter d’avoir été les premiers qui ayent eu le courage de violer leur serment, qui se soyent servi, contre leurs sujets, des forces qui

io leur avoient été données pour les défendre, et qui ayent, avec de bonnes armées, intimidé les laboureurs et les artisans ! Et, comme cela ne peut se faire sans que la corruption ne se mette dans l’État, il arrive que les ordres d’un prince si habile sont

i5 mieux éludés, et ses loix, plus violées ; de façon qu’un tel prince, qui sait si bien se faire obéir, est celui à qui réellement on obéit le moins.

656* (1991. III, f° 284 v°). — Je dirai aux Princes : t Pourquoi vous fatiguez-vous tant à étendre votre

20 autorité ? Est-ce pour augmenter votre puissance ? Mais l’expérience de tous les pays et de tous les temps fait voir que vous l’affoiblissez. Est-ce pour faire du bien ? Mais quels sont les peuples et les loix si stupides, qui vous gênent lorsque vous voulez

25 faire le bien ? C’est donc pour pouvoir faire du mal. » Quand vous seriez bons et justes, d’ailleurs, vous ne devez point désirer une autorité sans bornes : car, si vous êtes un prince bon, vous aimez votre patrie ; si vous l’aimez, vous devez craindre pour

3o elle. Mais quel sujet n’avez-vous pas de croire que