Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/472

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Si l’on savoit bien sentir l’honneur et la gloire qui attendent ceux qui souffrent pour avoir fait leur devoir, il n’y a pas d’âme bien faite qui ne préférât une grande chute à la jouissance certaine des em5 plois les plus éclatants.

660* (1995. LU, f° 291 v°). — A l’égard de la flatterie, on peut avertir tous les princes : il y a une conjuration universelle formée contre eux pour leur cacher la vérité. On peut avertir les courtisans que,

10 lorsqu’ils y pensent le moins, ils commettent de grands crimes, c’est-à-dire de ces crimes sourds, qui extorquent le pardon parce qu’ils frappent tout bas.

Que si les courtisans sont coupables lorsque, par de basses flatteries, ils endorment la conscience des

i5 princes, les magistrats, plus obligés par leur état à leur dire la vérité, le sont encore davantage. Caracalla, ayant fait tuer son frère Géta, ordonna à Papinien de chercher des excuses pour ce crime : « Un parricide, répondit-il, n’est pas si aisé à excuser

îo qu’à commettre. » On ne peut s’empêcher de s’indigner contre le premier président de Thou, qui, lorsque Charles IX alla faire part au Parlement de ce qui s’étoit passé à la Saint-Barthélemy, voulut justifier cette action, en disant que qui ne savoit pas

25 dissimuler ne savoit pas régner. Ce fut un plus grand crime à un magistrat de sang-froid, d’avoir justifié cette action, qu’à un conseil violent de l’avoir résolue, et à des soldats furieux de l’avoir exécutée. Les crimes des sujets sont punis par des supplices,

  • o et on les y condamne ; les Princes ne peuvent être