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Liv. III. Chap. III.

mille, lorsque Demetrius de Phalere les dénombra[1], comme dans un marché l’on compte les esclaves. Quand Philippe osa dominer dans la Grece, quand il parut aux portes d’Athenes[2], elle n’avoit encore perdu que le temps. On peut voir dans Démosthene quelle peine il fallut pour la réveiller : on y craignoit Philippe, non pas comme l’ennemi de la liberté, mais des plaisirs[3]. Cette ville, qui avoit résisté à tant de défaites, qu’on avoit vu renaître après ses destructions, fut vaincue à Chéronée, & le fut pour toujours. Qu’importe que Philippe renvoie tous les prisonniers ? Il ne renvoie pas des hommes. Il étoit toujours aussi aisé de triompher des forces d’Athenes, qu’il étoit difficile de triompher de sa vertu.

Comment Carthage auroit-elle pu se soutenir ? Lorsque Annibal, devenu préteur, voulut empêcher les magistrats de piller la république, n’allerent-ils pas

  1. Il s’y trouva vingt-un mille citoyens, dix milles étrangers, quatre cents mille esclaves. Voyez Athenée, liv. VI.
  2. Elle avoit vingt mille citoyens. Voyez Démosthene, in Aristog.
  3. Ils avoient fait une loi pour punir de mort celui qui proposeroit de convertir aux usages de la guerre l’argent destiné pour les théâtres.