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Liv. III. Chap. IV.

Ceux qui doivent faire exécuter les lois contre leurs collegues, sentiront d’abord qu’ils agissent contre eux-mêmes. Il faut donc de la vertu dans ce corps, par la nature de la constitution.

Le gouvernement aristocratique a par lui-même une certaine force que la démocratie n’a pas. Les nobles y forment un corps, qui, par sa prérogative & pour son intérêt particulier, réprime le peuple : il suffit qu’il y ait des lois, pour qu’à cet égard elles soient exécutées.

Mais autant qu’il est aisé à ce corps de réprimer les autres, autant est-il difficile qu’il se réprime lui-même[1]. Telle est la nature de cette constitution, qu’il semble qu’elle mette les mêmes gens sous la puissance des lois, & qu’elle les en retire.

Or un corps pareil ne peut se réprimer que de deux manieres ; ou par une grande vertu, qui fait que les nobles se trouvent en quelque façon égaux à leur peuple, ce qui peut former une grande république ; ou par une vertu moindre,

  1. Les crimes publics y pourront être punis, parce que c’est l’affaire de tous : les crimes particuliers n’y seront pas punis, parce que l’affaire de tous est de ne les pas punir.