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Pendant longtemps, il n’avait voulu voir dans les femmes que des poupées dociles ; mais il avait fini par reconnaître qu’elles sont bien ce qu’elles doivent être, les dignes compagnes de l’homme. Les grands intérêts de la politique les touchent de trop près pour qu’elles y soient indifférentes.

Quand l’Empereur était sur le chapitre de son ami Mahomet, je lui disais qu’il avait manqué sa vocation ; qu’il aurait dû naître sur un trône d’Orient ; que tout y eût été dans son génie et que, si je croyais à la métempsycose, je ne douterais pas que son esprit n’eût animé jadis le corps de Gengis-Khan ou celui de Mahomet ; que sa volonté eût été la seule loi de l’Etat et que c’était bien là ce qu’il lui fallait. Loin de se fâcher, il riait de son bon rire.

J’ai déjà dit quelle était l’aménité de l’Empereur à notre égard. Tous les témoins de sa vie à Sainte-Hélène lui rendront cette justice. Ce fut grâce à ses qualités aimables que nous pûmes tous supporter avec sérénité les tristesses de notre situation, les gênes de la vie commune et garder même une douce gaîté à Longwood pendant ces journées si longues et si monotones.