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Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/163

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LE GRAND SILENCE BLANC

son effort. Il franchit des lieues sans craindre la brutalité des passages ; il sillonne les rivières et les lacs en canot d’écorce dont il se fait une carapace ; il se recueille dans le silence de la forêt vierge où son imagination pieuse construit d’inimitables cathédrales ; il se rit des privations et bénit la souffrance ; il est malgré tout brave et gai, puisqu’il est Français ; il est poète à l’heure où son âme oublie ; son grand désir, celui qui l’emporte, c’est de réaliser le rêve qui l’habite ; mourant, il exhorte encore et le martyre est sa plus magnifique prière.

Sitôt que l’on cherche un trait plus caractéristique, on s’arrête devant les mille signes d’un même héroïsme, impuissant à distinguer ce qui est partout. De respect, nous irions vers les Jésuites aujourd’hui canonisés, peut-être vers le Père Jogues, glorieux récidiviste de la mort. Mais d’autres aussi nous retiennent au moment qu’ils s’acheminent, et l’on demeure curieux de leur pensée alors que, errant sous les grands bois, auprès des barbares, ils tournent les yeux vers les étoiles. On veut surprendre leur volonté, toucher le vif de leur résistance : chez tous, c’est le même écho des ordres divins. S’ils consentent à raconter leurs peines, les dangers qu’ils courent, les tourments qu’ils endurent de la faim, de la soif, du froid, de la saleté, de la solitude, des contacts de la sauvagerie, c’est sur un ton de détachement qui s’achève par les mêmes mots de sacrifice et d’acceptation.

Elles sont partout ces paroles de résignation presque joyeuse : « Je ne sais pas si vous recon-