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Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/214

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LE FRONT CONTRE LA VITRE

Autour de moi, on est ravi. J’entends bien quelques ronchonnements, mais ils viennent de Canadiens désobligés par le costume de nos chanteurs, et qui voudraient les voir en jaquette sombre et gilet perle, gantés de beurre. Paris, dès lors, y eût moins pris garde, et je n’aurais pas recueilli pour les Alouettes ce propos d’une jolie femme : « C’est tout à fait harmonieux, un peu triste peut-être ; mais quels beaux gars. »

Paris, c’est encore l’Hôtel de Ville, où le cœur s’exprime librement, dans une conversation plus intime, sans témoins, que le maire et quelques officiels ; où les chansons éclatent pour rien, pour éclater, dans la vaste salle que seul le souvenir occupe. Un geste infime, une lueur dans la capitale de lumière. J’évoque Montréal, la seconde ville française du monde. Je lui cherche un titre qui traduise ce privilège. Si j’osais l’appeler : la fille aînée de Paris. Mais le nombre n’est pas un droit d’aînesse. Et puis la réflexion saugrenue d’un compatriote me traverse l’esprit : « Plus je vois Sorel, plus je pense à New-York ; c’est si peu pareil ! »

Des chansons, je sens monter notre histoire le long des murs, comme une fresque. Après la conquête par l’Angleterre, le paysan reste fidèle au sol qu’il a défriché. Il vient de la Normandie, du Poitou, du Perche, de la Saintonge, de la France de l’ouest, que l’on reconnaît encore à plus d’un trait vivant, en sorte que le Canada, loin de la France, exprime, comme Paris, « tous les terroirs français ». Exemple concluant, ainsi qu’une victoire, de la vitalité