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Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/270

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LE FRONT CONTRE LA VITRE

Québec, où j’ai passé en revue les mots qui sont de service dans notre langue, avait été augmenté par les réflexions d’un Nantais : j’ai vu, sous son crayon, des anglicismes s’évanouir et des vocables français renaître. C’est une expérience facile à faire. Déjà Rabelais y a servi, mais son œuvre, du point de vue de la linguistique, n’est qu’un heureux moment de l’évolution. Il vaut mieux choisir des contemporains, si l’on veut saisir l’actualité d’un passé qui offre ainsi mieux que la vanité de la mort. Mistral a livré à nos chercheurs des foules de tournures populaires dont nous douterions encore si le grand poète ne les avait cueillies dans son domaine, comme on fait d’une poignée d’immortelles. J’ai relu l’édition définitive de Madame Bovary : des mots en italique semblent soulignés par un Canadien à l’usage du grand public français. Tous les romans régionalistes nous offrent de ces surprises qui, bientôt, n’en seront plus. Un des nôtres a fait lire en pleine Normandie les Anciens Canadiens de Philippe-Aubert de Gaspé, où chacun a reconnu un conte de la petite patrie. Fifre ou tambour, talon rouge ou sabot normand, c’est toute la France qui y passera, tant il est vrai que, si nous avons peu appris, « assurément nous n’avons rien oublié ».

Et j’hésite à donner des exemples de mots qui sont vraiment de notre crû. Il en est certainement, ou du moins, pour reprendre une formule scientifique dont un vaudevilliste a souri naguère sous la Coupole, tout se passe comme s’il y en avait. Les mots, dont on ne sait pas encore s’ils nous appartiennent, apparaissent sans indication d’origine sur l’intermi-