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Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/273

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DISCOURS À L’ACADÉMIE DE BELGIQUE

somme toute, à celui que l’on rencontre dans les provinces françaises, moins l’infiltration étrangère qui est surtout sensible à Paris. Le Mercure de France soulignait un jour l’amusante aventure de deux Anglais qui avaient appris le français, l’un à Bordeaux, l’autre à Brest, et qui se servaient de mots incompréhensibles l’un pour l’autre et que, pour ma part, sauf deux ou trois exceptions, je n’aurais pas saisis, bien qu’ils fussent de physionomie française et nés du terroir. Il eût été difficile, disait le Mercure, d’expliquer à ces étrangers que l’unité de langue n’existe pas en France et qu’on pourrait écrire, pour chaque province, des variantes du Mariage de Mademoiselle Beulemans.

Faut-il, après cela, condamner Brest et Bordeaux, sinon même Bruxelles ou Liège ? Que ferait-on dès lors des plus agréables diversités qui signalent les mutations patoises ou les trouvailles du génie populaire ? Ne vaut-il pas mieux faire montre d’une plus clairvoyante sympathie et admettre des vocables qui prendraient avec avantage, et par droit de création française, la place d’une quantité d’anglicismes ? Pardonnez-moi si je ressens quelque humeur à constater avec quelle légèreté, parfois même avec quelle outrecuidance, des étrangers, qui sont, paraît-il, professeurs de français quelque part, jugent, au nom de leur science livresque, une langue qui possède de longs siècles de vie. Nous repoussons aussi bien l’éloge outré de ceux qui croient entendre Bossuet parler encore, cette fois-ci très vieux, sur les rives du Saint-Laurent ; et nous ne demandons aux intelligences amies que de s’intéresser aux caractères de