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Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/42

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LE FRONT CONTRE LA VITRE

est tendu vers une formation : les faits, les idées, l’écriture même. Barrès ne néglige rien de ce qui le touche et prendra demain sa signification dans l’œuvre encore insoupçonnée. Il retient l’image d’être fugitive. Il dégage la lumière et l’indique d’un trait pour qu’elle renaisse sous la cendre du temps. Règle aussi de travail. Dans le refuge de cette méditation quotidienne, l’écrivain prend conscience de ses valeurs.

Nous avons la révélation de l’amour — la piété, disait Péguy — du métier. (Le troisième Cahier se termine par cette définition : « Mon art, un besoin d’expression juste »). Dans la préface qu’il a écrite pour le premier volume, Philippe Barrès cite des recettes plus précises : « Léchez votre ours… Ne quittez votre bouquet que lorsqu’il fait bien rond… Parvenez à vous dégager de votre ouvrage et à le dominer ; tenez-vous au-dessus comme l’abeille au-dessus de son miel ». La pensée de Barrès, excitée par l’événement, est dirigée vers son métier d’écrivain et, plus haut, vers sa propre perfection. Perpétuellement il se nourrit dans le désir de s’accroître.

Comme il est loin l’à peu près que l’on déplore chez les nôtres. Quel exemple de contrainte professionnelle et de progrès spirituel ! Aimer — ce sont presque les mots de Barrès — ce qu’on a choisi de faire, sinon même ce que le sort impose de faire ; accomplir sa tâche dans le respect des principes dont elle doit résulter. Que ne gagnerions-nous à cette surveillance, quand la médiocrité, l’imprécision, la satisfaction facile, une paresse généralisée, marquent