Aller au contenu

Page:Montpetit -Le Front contre la vitre, 1936.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
IN HYMNIS ET CANTICIS

rêve, j’ai presque peur, en me retournant, de trouver debout sur le rocher quelque guerrier tatoué d’Onondaga appuyé sur son arc… !

Mais l’âge des Peaux-Rouges est révolu ; tournée, la page des contes barbares. La terre respire aux labours. Des gens sont venus du Perche, de l’Anjou, de la Normandie, de la Bretagne, de la Saintonge, de la France de l’ouest, des gens au langage clair, à l’âme tenace. S’adapteront-ils aux conditions que leur impose l’aventure conduite en un siècle où l’on pense coloniser avec une poignée d’hommes un monde cinquante fois plus grand que la France, où l’on rêve distraitement d’un empire que le Ciel eût créé. Les voici à l’œuvre. Sur le sol accueillant ils recommencent le geste de l’ancêtre, ils ouvrent notre sillon. Mais le propre de l’aventure est de n’avoir pas de bornes : elle devait les emporter plus loin dans la forêt, pour y subir l’inévitable choc du nombre et de la richesse. Fini, le beau rêve d’expansion. Les lis de France n’ont pas tenu sur l’immense drapeau. Repliés, ramenés aux limites de la Vallée où ils avaient installé leurs maisons de pierre, ces hommes ont du moins remporté dans leurs enfants la victoire de la fidélité :

« C’est la paix immense d’un beau pays béni de Dieu, où la terre est généreuse, le ciel clément, où l’homme ne se voit pas mais se devine pourtant. C’est lui qui achève de ruiner cette incomparable forêt dont la terre laurentienne, aux âges de sa jeunesse, couvrait sa nudité. C’est lui qui a jeté sur la glèbe ainsi mise à nu, ce réseau de clôtures, ce filet aux larges mailles qui la tient captive. Toute cette humanité épandue