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Page:Montreuil - Le secret de Zilda, conte canadien, paru dans Mon Magazine, février 1926.djvu/8

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Mme Nado comprit qu’elle n’avait plus d’amis, et ce soir-là, elle s’enferma dans sa maison avec ses enfants, qu’elle mit au lit de bonne heure. Elle resta longtemps assise auprès de leur petite couchette, regardant souvent vers la porte, tendant l’oreille au moindre bruit. Elle espérait, peut-être, que quelque voisin charitable viendrait apporter à sa détresse le soulagement d’un peu de sympathie. Mais nul ne vint frapper à cette porte que le malheur avait marquée.

Le lendemain matin, Mme Nado se leva de bonne heure, après une nuit sans sommeil. Elle fit déjeuner les petits, mais elle fut elle-même incapable de rien manger ; après avoir rangé son petit ménage, elle fit la toilette de ses enfants — toilette bien modeste, qui consistait pour le petit garçon en un complet de coutil, et pour la fillette, une robe d’indienne. Elle mit ensuite sa robe des dimanches, sa pauvre robe en alpaca fanée, mais propre, et son chapeau de paille, qu’elle rafraîchissait chaque printemps depuis trois ans. Puis, sans seulement prendre la peine de se regarder au miroir, elle sortit en portant sa petite fille dans ses bras et donnant la main à son petit garçon.

La pauvrette allait dire adieu à son époux, car, depuis la veille, elle savait qu’il avait été condamné à vingt ans de pénitencier.

Il n’y avait pas de tramway à cette époque, et la malheureuse n’avait pas les moyens de se payer une voiture de place. Elle parcourut donc à pieds la longue distance qui séparait sa demeure de la prison, où Nado, depuis la veille, n’espérait plus rien de la justice des hommes. Plusieurs fois, durant le trajet, la pauvre femme dut s’arrêter pour laisser reposer les petits qui n’en pouvaient plus, quoiqu’elle les portât à tour de rôle. Épuisée, elle aussi, par cette marche harassante et sa maladie récente, l’infortunée traînait péniblement ses pieds endoloris.

Il lui fallut plus de deux heures, pour parcourir son calvaire. Une entrevue comme celle que Nado eut avec sa femme ne se décrit pas. Ceux qui ont dans l’âme assez de bonté pour concevoir la douleur d’autrui se feront une assez juste idée de la détresse de ces jeunes époux séparés dans le plein épanouissement de leur bonheur modeste. Pour les autres, toute tentative de description serait une dépense de vaines paroles.

IV


Dans un boudoir modeste, aux meubles anciens, Zilda Nangin est assise auprès de son fiancé, Hermas Nodier. Le jeune homme a déposé sur les genoux de son aimée, une gerbe de roses et elle en aspire le parfum en plongeant son visage pâle dans les pétales veloutés.