Page:Moréas - Esquisses et Souvenirs, 1908.djvu/154

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derrière un bouquet d’arbustes à la sombre verdure.

Je m’assis pour boire, devant le seuil d’un cabaret. Un pan de mur, un peu courbé, y formait angle et protégeait contre le chaud du jour.

En face s’ouvrait une large grille, qui laissait voir une cour en contre-bas, pleine de fumier. Des poules gloussaient, un coq chanta. Un chat tigré regardait devant lui, immobile. Un beau rosier grimpait sur le mur, à côté d’une échelle dressée. Des géraniums égayaient une lucarne.

Trois ou quatre vaches vinrent devant la grille, menées par une vieille à chapeau de paille. Les bêtes allaient, roulant leurs flancs, dodelinant de leurs têtes lourdes aux prunelles olympiennes.

Des bouchers, des boulangers faisaient halte, dans leurs voiturettes, devant les maisons et les boutiques. O la belle viande, le bon quignon de pain !

Une jeune servante passa, rapide, dans un char-à-bancs ; assise entre des corbeilles vides, un nœud d’écarlate dans ses cheveux.

Je n’ai point entendu, ce jour-là, crier dans sa carriole le marchand de peaux de lapin, dont la voix me berçait jadis dans mes courses, de Fontenay-aux-Roses à Saulx-les-Chartreux.

… Dans l’après-midi, le mal du passé me ramena au village de R… J’entrai dans ce jardin, — mes