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PLUIE D’AVRIL





Il vient de pleuvoir ; le vent balance les branches des lilas. Chez l’horticulteur, là-bas, une touffe d’arbustes se renfle, couleur de vin et piquée au milieu, bizarremment, d’une aigrette toute verte.

L’enclos de l’horticulteur mon ami est vide en ce moment de ses pots de fleurs. Il est tout désert et la terre, sous le ciel couvert, se rembrunit, malgré la mousse d’avril, vive et vernissée.

Dans le courtil à côté, les arbres à fruits se dressent sans souci et promettent. Et devant la maison, basse avec des contrevents gris, usés aux persiennes, d’autres arbres, de parade, hauts et fins, recommencent à feuillir, sans doute avec le désir de plaire encore.

Comment cela se fait que mon cœur soit si gai ?