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molaires, toutes bien nettes, formait d’ingénieux dessins en l’honneur de l’art du praticien.

Celui-ci, vieil homme à barbe blanche bien taillée, dormait profondément, par cet après-midi chaud, au fond de sa boutique, sur un divan étroit contre le mur. Le turban sur la tête, il portait des vêtements tout azurés.

J’ai passé une demi-journée en compagnie du peintre Maxime N.. C’est un compatriote de Barrès et de Claude le Lorrain. Il vint à Alger pour soigner un mal de poitrine. Il y est depuis vingt-cinq ans, je crois, et le voici maintenant robuste de corps et sain de figure, avec sa barbe rude et ces yeux clairs.

Maxime N... s’est formé presque tout seul dans le métier de la peinture, sans rien garder cependant de la tare de l’autodidacte.

Il passe des mois entiers sous la tente, au désert, et il rapporte des toiles où la lumière et les ombres vivent de leur propre vie.

Il y a quelques années, des critiques et des amateurs organisèrent à Paris, avec grand succès, une exposition de l’œuvre de ce peintre curieux.

Sa conversation est soutenue sans emphase. Elle est discrète comme ce ciel d’Alger, lorsqu’il couve du soleil sous un gris délicat.

Il me fit visiter le Jardin d’Essai planté d’arbres