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HENRY BECQUE




Je disais avec tristesse : La vie a trahi Henri Becque, je crains que la mort ne se moque de lui.

Je tâcherai de m’expliquer :

Celui qui s’élève dans les hautes sphères de l’art, un Milton, un Corneille, s’il coule des jours malheureux, goûtera, dans son infortune même, une infinie douceur. Il se plaint, sans doute, et maudit son siècle. Cependant, en dépit de ces heures de faiblesse humaine, l’orgueil le soutient secrètement et lui rend déjà l’avenir visible. Je parle du noble et légitime orgueil, et non de cette passion équivoque qui n’en prend que les vaines apparences. Et je suis certain que peu de gens éprouvent en réalité ce véritable orgueil, au point d’en être secourus.

Ce que la vertu a de plus délicieux formait la nature de Becque. Il avait conscience de son grand