Page:Moréas - Poèmes et Sylves, 1907.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
POÈMES ET SYLVES


Dans la cité au bord de la mer, la cape et la dague lourdes
De pierres jaunes, et sur ton chapeau des plumes de perroquets,
Tu t’en venais, devisant telles bourdes,
Tu t’en venais entre tes deux laquais
Si bouffis et tant sots-en vérité, des happelourdes ! —
dans la cité au bord de la mer tu t’en venais et tu vaguais
Parmi de grands vieillards qui travaillent aux felouques,
Le long des môles et des quais.

C’était (tu dois bien t’en souvenir), c’était aux plus
beaux jours de ton adolescence.


Devant ta tante madame la prieure,
Que tu sentisses quelque effroi
Lorsque parlait d’excommunication majeure
Le vieux évêque en robe d’orfroi, —
Tu partais, même à l’encontre du temps et de l’heure,
Avec Hans, Gull, Salluste et Godefroy,
Courir la bague, pour amuser la veuve
Aux yeux couleur de roy.

C’était (tu dois bien t’en souvenir), c’était aux plus
beaux jours de ton adolescence.