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L ivre 1.                 25
» ſoutenir leurs folles dépenſes. Quelque ef-
» frayant que ſoit un pareil déſordre, ce n’eſt
» cependant pas le plus grand. Voyez, compt-
» tez, ſi vous le pouvez, cette foule de mer-
» cenaires qui les entourent. En tous points
» ſemblables à leurs maîtres, ces valets vivent
» dans une honteuſe oiſiveté; ils n’apprennent
» aucun métier qui puiſſe dans l’occaſion les
» mettre à l’abri du beſoin. Que leur arrive-
» t-il? Ou les maîtres meurent, ou eux-mêmes
» tombent malades. Dans l’un ou l’autre cas,
» on leur donne à l’inſtant leur congé; car
» vous remarquerez, s’il vous plaît, que vos
» Seigneurs, vos citadins opulens aiment
» mieux entretenir de grands pareſſeux bien
» portans, que de nourrir de pauvres infirmes;
» d’ailleurs l’héritier d’un défunt n’eſt pas tou-
» jours en état de prendre ſon train & d'en-
» tretenir ſon nombreux domeſtique. Il faut
» donc que ces valets, congédiés embraſſent
» promptement la profeſſion de voleurs, s’ils
» ne veulent promptement mourir de faim.
» Tout bien examiné, quel autre parti leur
» reſte-t-il à prendre? Quand ils ont, pendant
» quelque temps, battu le pavé, ils ne por-
» tent plus ſur leur corps que les livrées de la
» miſere, & ſur leur viſage que les ſymptômes
» manifeſtes de leurs déréglemens. Pâles &