Page:More - Du meilleur gouvernement possible, ou, La nouvelle isle d'Utopie, 1789.djvu/59

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           Livre 1            31
» non contens de paſſer leur vie dans une
» douce oiſiveté, & de ne contribuer en rien
» à l’utilité commune, cherchent encore leur
» profit perſonnel à ſon détriment. Pour amaſ-
» ſer avec plus de promptitude ces tréſors dont
» ils font un ſi mauvais uſage, ils acquièrent
» le plus de terreins de labour qu’il leur eſt
» poſſible, forment de vaſtes clos, des parcs
» de la plus grande étendue; en ſorte que,
» pour parvenir à leurs fins, ils ne ſe font
» nulle difficulté d’abattre les maiſons, de
» renverſer les bourgs & les cités. & qu’ils
» n’épargneraient pas même les égliſes, s’ils
» ne trouvaient plus expédient pour eux d’en
» faire des étables. Ces perſonnages ſi bien in-
» tentionnés, craignent ſans doute qu’il n’y
» ait pas dans le Royaume aſſez de terrein
» perdu en bois & en étangs: c’eſt pour cette
» raiſon qu’ils changent en déſerts les villes
» les plus peuplées, & les campagnes les
» plus fertiles. C’eſt ainſi qu’on chaſſe les
» malheureux Colons de leur terriroire, pour
» ſatisfaire l’avare cupidité d’un ſeul Sybarite,
» l'ennemi le plus cruel de la Patrie. C’eſt
» ainſi que, pour lui procurer le plaiſir d’en-
» clorre des milliers d’arpens, de faire des
» enceintes de pluſieurs lieues, on dépouille
» l’agreſte habitant de ſon fonds; on uſurpe