Page:Moret - L’emploi des mathématiques en économie politique.djvu/183

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ainsi un point faible. Mais il ne faut pas exagérer l’importance de l’objection que nous venons de signaler, car, bien qu’elle semble toucher à une question de principe, elle ne porte en réalité que sur le mode d’exposition. Ce point faible n’aurait constitué un défaut fondamental que si l’auteur des Principes s’était proposé de résoudre un problème pratique tel que le suivant :

Étant donné deux marchandises et leurs courbes d’utilité (ou les équations de ces dernières) pour chaque échangiste, ainsi que les quantités possédées par chacun d’eux, déterminer les courbes de demande (ou leurs équations).

Or, telle n’a pas été l’intention de Walras, ainsi qu’il a pris le soin de le spécifier lui-même[1] : « Ce serait nous faire une objection bien mal fondée que de nous parler de la difficulté d’établir les courbes d’échange ou leurs équations. L’avantage qu’il pourrait y avoir, dans certains cas, à dresser en totalité ou en partie la courbe de demande ou d’offre d’une marchandise déterminée, et la possibilité ou l’impossibilité de le faire, est une question que nous réservons tout entière. Pour le moment, nous étudions le problème de l’échange en général, et la conception pure et simple des courbes d’échange qui nous est à la fois suffisante et indispensable ». Qu’importe dès lors, au point de vue de la substance même de la doctrine, que la satisfaction ne constitue pas une grandeur mesurable ! Une grandeur non-mesurable n’est nullement par cela seul exclue de toute spéculation mathématique, ainsi que Henri Poincaré l’expose nettement dans une lettre qu’il écrivit à Walras à propos de la question qui nous occupe[2] : « La température par exemple (au moins jusqu’à l’avènement de la thermody-

  1. Éléments, 6e leç., in fine.
  2. Cf. L. Walras, Économique et Mécanique [p. 6].