Page:Morlais - Étude sur le traité du libre arbitre de Vauvenargues, 1881.djvu/168

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que de leur supposer cette sincérité : ils se garderont bien de heurter le sens commun, ils conserveront ces mots de justice, de crime, de vice, de vertu…, après les avoir dépouillés de l’idée qu’ils renfermaient.

Il n’y a plus de vice, dites-vous, si tout est nécessaire. — Mais, reprend Vauvenargues, une chose est bonne ou mauvaise en elle-même, et nullement parce qu’elle est nécessaire ou ne l’est pas. — Étrange abus de mots ! Comme si le bien moral, le seul en question ici, n’avait pas un caractère à part qui ne permet pas de le confondre avec le bien physique ou logique.

Le mal physique est une nécessité de la nature, le mal moral une faute de la volonté. Une chose est physiquement bonne ou défectueuse en elle-même, indépendamment de l’estime ou du mépris que nous professons pour elle, notre appréciation n’altère en rien sa nature. Au contraire, un acte est moralement bon ou mauvais, suivant qu’il est ou non conforme à la loi éternelle, manifestée par la raison, digne d’éloge ou de blâme. Sa moralité dépend en grande partie de l’intention de celui qui l’accomplit. Celui-ci peut, par le but qu’il se propose, rendre moralement mauvaise une action bonne en elle-même. Faire l’aumône est une bonne action, mais donner par ostentation est condamnable ; l’aumône de celui qui veut se faire admirer, tout en demeurant physiquement bonne, devient moralement vicieuse. Réciproquement, l’intention peut rendre vertueuse une