Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
LES MYSTÈRES DU CRIME

Flack bondit sur son siège et recula jusqu’au bout de la chambre.

La baronne était dans la même attitude.

Elle s’était réveillée nymphomane !

Mieux eut valu la mort pour elle. Indifférente et insouciante à tout ce qui se passerait autour d’elle, la malheureuse exhumée était condamnée à se tordre, pendant le reste de ses jours, dans des crises d’hystérie.

— Oh ! viens répéta-t-elle.

Il y avait dans sa voix, dans son geste, quelque chose de la douceur d’une bête.

— Pauvre femme ! pensa le domestique, rempli d’horreur et de pitié devant cette lamentable scène de nymphomanie.

Il s’avança résolument vers le lit.

— Taisez-vous, commanda-t-il ; vous êtes souffrante, il faut vous reposer.

— Pourquoi ?… Oh !…

Elle resta une minute immobile et un spasme la prit qui la fit se tordre dans sa couche.

Quand elle revint au sentiment de la réalité, elle joignit les mains avec extase.

— Le beau rêve ! fit-elle.

— Dites-moi à quoi vous songiez ? demanda Jean-Baptiste Flack.

— J’étais au ciel… Il y avait des oiseaux et des anges… Une auréole m’éclairait… Une vieille femme est venue à moi et s’est agenouillée en me demandant l’aumône… Je lui ai donné tout ce que j’avais… et, aussitôt, elle s’est changée en un beau jeune homme qui m’a emportée dans ses bras à travers l’espace… Oh ! que j’ai eu de plaisir !… — Prends-moi ainsi, dis, veux-tu ?

Flack se détourna avec dégoût.

Mme de Cénac était folle ; il ne subsistait, dans l’écroulement de sa raison, que ses anciennes idées de dévotion, mêlées à une effrayante hystérie.

Les jouissances de la chair et du paradis se confondaient dans son esprit surexcité.

Elle ne voyait rien au delà.

Son existence devait se poursuivre ainsi. Elle ne vivrait plus qu’intérieurement dans un délire de nymphomane, qui ne lui permettrait de distinguer, parmi ce qui l’entourait, que des hommes pouvant satisfaire son incessante sensualité.

La baronne de Cénac était une monomane religieuse et hystérique.

La dévotion, cette maladie parasitaire du cerveau, avait préparé cette malheureuse à tous les détraquements de la pensée. La solitude volontaire dans laquelle elle avait vécu avait aggravé son état…

Un prêtre avait achevé l’œuvre de la religion.