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LE DOCTEUR-NOIR

une victime qui résiste ; pour manger, on dit briffer ; pour dormir, peignotter ; les pestailles sont les ennemis ; les gougnottes et les tantes sont… nous n’avons pas besoin de dire quoi ; les vaches sont les magistrats, policiers, etc. ; les dénonciateurs sont les bourriques.

Les prisons ont aussi leurs sobriquets. Voyez plutôt : Mazas devient Not’zas ; la Santé, la Santoche ; la Roquette, la Grande Roque ; Sainte-Pélagie, Pélago ; Saint-Lazare, Saint-Lago ; le Dépôt, le Tas ; et, enfin, la Conciergerie, la Tour.

Citons encore à titre de curiosité une lettre rigoureusement authentique écrite par un détenu à un autre détenu.

« Hohé ! mon voisin l’aristo, veux-tu que je te bénisse ? alors, fais-moi passer du perlot (du tabac) ! C’est Saucisson des Batignolles qui te demande ça ; oui, c’est le mac-des-macs, le lutteur à mains-plates, le célèbre peintre à la fourchette ; pendant que sa femme montre ses mollets, lui, fabrique les porte-monnaies ; courage ! et mort aux indicateurs et aux révélateurs ; à la potence, les juges d’instruction, les greffiers et les cipaux ; à la chaudière les vaches et les bourriques ; mort aux flittes et aux gaffres ! On les pendra ! Et, youp-ohu !… »

Les voleurs sont en général vantards et prodigues. Un trait distinctif de leur caractère sauvage, c’est le mépris qu’ils professent pour les femmes, leurs ouvrières. Ils sont aussi habiles dans leurs entreprises que maladroits pour cacher après leurs méfaits. Le chiffon rouge (la langue) les perd invariablement. D’ailleurs, ils ne peuvent se détacher de leur milieu et de leurs connaissances.

Les voleurs intelligents ne vivent pas en commun et se déplacent continuellement : ceux-là sont imprenables.

Voilà, succinctement, ce que nous avions à dire sur le monde des prisons.