Tord-la-Gueule se releva furieux.
— Ah ! mais dis-donc, l’artiste, faudrait voir à ne pas mépriser ceux qui ont des biceps. T’es notre chef, c’est bon ; mais, mon gaillard j’en mangerais deux comme toi.
— Crois-tu ? demanda ironiquement Renaud.
Et ses mains s’abattirent sur les poignets du colosse qui essaya vainement de se dégager.
La Sauvage applaudit.
— Bravo, ça, mon homme. Allons ; Tord-la-Gueule, tu es debout et lui assis. C’est pas malin de le faire lâcher.
L’Hercule se tordait, se jetait en arrière, sans parvenir à desserrer ses poignets de l’étau où ils étaient pris.
— Très bien, Renaud, firent les bandits en chœur.
Tout à coup, l’amant de la Sauvage, toujours assis, tendit ses bras d’une façon terrible. Ses muscles semblaient près de se briser.
On vit Tord-la-Gueule plier lentement.
Il tomba à genoux sous l’effort irrésistible du chef.
— J’ai trouvé mon maître, dit-il en se relevant.
Ce fut un enthousiasme indescriptible. Tord-la-Gueule était considéré comme invincible ; Renaud, cet inconnu, venait de le mettre à ses pieds comme il eût fait d’un enfant.
Cet incroyable tour de force avait conquis au nouveau chef l’admiration de ses hommes.
— Tu es un mâle, dirent-ils, en tendant leurs mains vers lui.
Sacrais avait profité du tumulte, pour s’approcher du vainqueur.
— Vous avez du nerf, M. l’abbé Caudirol, lui glissa-t-il à l’oreille.
L’homme qui se faisait appeler Renaud était démasqué.
Il sembla un instant pétrifié ; mais, subitement sa physionomie se convulsa. Il jeta un regard effrayant sur Sacrais.
Celui-ci ne s’émut point.
— Quand vous saurez qui je suis et comment Je vous connais, continua-t-il, vous vous attacherez à moi et vous serez sans crainte. Seul je sais qui vous êtes… et je suis le tombeau des secrets.
Caudirol, car c’était lui, ne fut qu’à demi rassuré.
— Venez avec moi à l’écart, dit-il à Sacrais… Là, à présent je vous écoute ; parlez.
— Je ne vous dirai qu’un mot pour l’instant. J’ai été le premier clerc du notaire de votre famille à Nantes. Je vous ai souvent vu à l’étude quand vous veniez toucher votre pension.
— En effet, dit Caudirol en réfléchissant, il me semble vous avoir vu autrefois.