Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/245

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tout bas, gagnés par l’assoupissement du soir qui flottait sur les eaux. Ils se disaient leur tendresse avec les mêmes puérilités, le même balbutiement de passion, qui s’éveille sur les lèvres des hommes. Il lui confiait qu’elle l’avait troublé dès le premier jour : il lui racontait cet étrange sentiment de défiance et de crainte, qui l’avait envahi, et qui était de l’amour. D’abord elle se moquait avec une vivacité adorable, puis, rougissante, elle finissait par avouer qu’elle était troublée, elle aussi, et qu’elle le voyait dans ses rêves.

Elle avait ainsi de tranquilles audaces, des mouvements instinctifs de passion, qui la montraient prête à s’abandonner, conquise à l’avance par ce grand garçon qu’elle adorait. Elle laissait voir le trouble de ses sens, sans aucune des réserves habituelles à la femme. Son regard noir avait tout à coup une profondeur de passion, et cela surtout la rendait dangereuse, car cet abandon, plus adroit que toutes les coquetteries, allait bien avec le charme étrange, un peu sauvage, de son teint ambré et de ses cheveux noirs.

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Ils se séparèrent. Pierre remontait vers l’auberge, par la ruelle envahie de bardanes et d’herbes de Saint-Jacques, quand il aperçut près d’une fenêtre ouverte un tambour de brodeuse.

En un moment, il revit la chambre de Marthe, le vieux puits usé par le frottement des cordes, et le fin profil, penché sur un ouvrage de dentelle.

Son cœur fut effleuré d’un remords. Un instant il s’attendrit sur l’absente, si sérieuse auprès de cette fille aux yeux effrontés, et il l’aima plus de toute la