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— Onze heures.

— Comment est papa, ce matin ?

— Très bien : il est sorti.

— Ah ! Ah !… Je descends dans une minute.

— Je t’attends. Dépêche, que je te voie.

Édouard descendit et il causa quelques instants avec Marie-Louise.

Ayant dit bonjour à tous ceux que son arrivée tardive ne lui avait pas permis de voir la veille, il sortit pour aller prendre son père au bureau. — Car M. Leblanc, quoique retiré des affaires, n’avait pas voulu l’abandonner.

Le dîner fut fort gai.

Édouard, remis des émotions de la veille, annonçait qu’il partirait le soir même, pour Montréal :

Marie-Louise eût beau déclarer qu’elle ne voulait pas qu’il parte, rien n’y fit.

Il dit que le temps pressait : que les examens approchaient et qu’il lui fallait étudier fort. En dépit de la secousse de la veille, le plaisir de revoir les siens l’avait reposé et il se sentait prêt à la tâche.

Marie-Louise voulut qu’il fut au moins à elle pour l’après-midi ; et, sans lui permettre d’aller voir qui que ce fût, elle l’amena faire une longue promenade. — Ils rencontrèrent, du reste, presque toutes leurs connaissances du village, sur la route.

C’était un beau temps d’automne ; les feuilles mortes jonchaient les routes, il faisait presque tiède ; la mer, qu’aucune ride ne ternissait, était extraordinairement haute et venait jusqu’au trottoir.

Ils s’entretinrent longtemps avec amitié : Édouard dit ses aspirations, fit part de ses projets, parla de sa vie d’étudiant et de ses études.

À son tour, il la fit parler de ses amies et de ses occupations.

La conversation vint à tomber sur Blanche Coutu, quand, fatigués de faire de vastes projets et de creuser les problèmes sérieux, ils se mirent à jaser plus légèrement de choses et d’autres.

Sais-tu que tu me rends curieux de la connaître, dit Édouard.

— Tu la connaîtras.

Ils rentrèrent à la maison.

Le souper fut calme : Édouard et Marie-Louise étaient fatigués de leur après-midi et chacun est encore un peu abattu par le contre-coup des événements d’hier.

On reprit un peu d’entrain pendant la soirée. M. Leblanc, voyant la lassitude de chacun entreprit de dissiper un malaise dont il était la cause.

Jamais il n’avait été si gai et si plein de vie ; et Édouard, en montant à bord des chars, se dit qu’il était décidément parfaitement remis de son indisposition passagère.


CHAPITRE VI.

Un apôtre


Tu me diras ce que tu voudras, Édouard, il dépasse les bornes.

— En quoi les dépasse-t-il ? je ne vois pas.

— Un député est un personnage respectable qu’il n’est pas permis d’injurier ainsi.

— C’est justement là que tu te trompes, mon cher : si le député que Rivard prend à parti, dans la Justice, est tout ce que prétend Rivard, il n’est pas un homme respectable. Au contraire, il est moins respectable que tout autre : un député, qui se salit comme cela, sans égard à la dignité de la position qu’il occupe ni à la confiance que ses concitoyens ont mise en lui, est un farceur et une canaille.

— Oui, mais n’oublie pas que Rivard a déjà a été condamné pour diffamation.

— Je n’oublie pas cela ; et je n’ou-