Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/114

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général Lugua marche sur Rosette ; il a ordre de s’en emparer et de protéger l’entrée dans le port de la flottille française, qui doit suivre la route du Caire, sur la rive gauche de ce fleuve, et rejoindre l’armée par Rahmanié. Le 20 mars, Bonaparte arrive à Demenhour, où il trouve l’armée réunie. Le 22, on se met en marche pour Rahmanié : on s’y repose en attendant la flottille, qui porte les provisoins : elle arrive le 24. L’armée se remet en marche pendant la nuit ; la flottille suit son mouvement.

La violence des vents l’entraîne tout à coup au delà de la gauche de l’armée et la pousse contre la flottille ennemie. Celle-ci est soutenue par le feu de 4.000 Mamelucks, renforcés de paysans et d’Arabes, et cependant, quoique inférieurs en nombre, les Français font perdre à l’ennemi ses chaloupes canonnières. Attiré par le bruit du canon, Bonaparte accourt au pas de charge. Le village de Chebreis est attaqué et emporté après deux heures d’un combat des plus acharnés. L’ennemi fuit en désordre vers le Caire, laissant 600 morts sur le champ de bataille.

Après un jour de repos à Chebreis, l’armée victorieuse se remet à sa poursuite. Le 2 thermidor, on arrive à une demi-lieue du village d’Embabé. La chaleur était insupportable : l’armée, accablée de fatigue, aurait eu besoin de prendre quelque repos ; mais les Mamelucks que l’on voyait se déployer en avant du village, ne lui en donnaient pas le temps. Bonaparte range ses troupes en bataille, et leur montrant les fameuses Pyramides que l’on apercevait en arrière de la gauche de l’ennemi, il s’écria : « Soldats, songez que du haut de ces monuments, quarante siècles vous contemplent. » Et en même temps, il ordonne l’attaque.

La cavalerie des Mamelucks, la plus brave du monde, fit des prodiges de valeur pour essayer de rompre les rangs des Français, disposés en bataillons carrés. Vingt fois ils revinrent à la charge avec la même audace et la même opiniâtreté ; on en vit hacher les canons des fusils de nos soldats à coups de sabre ; d’autres poussaient leurs chevaux à reculons contre ces murailles hérissées de fer, dont l’inébranlable résistance excitait leur fureur et leur désespoir. Après des efforts inouïs, ces braves se retirent, laissant 3.000 des leurs sur le lieu de l’action. Le village d’Embabé est enlevé à la baïonnette ; 40 pièces de canon, 400 chameaux, des armes, des vivres, des richesses de toute espèce furent le fruit de cette victoire qui prit le nom des Pyramides.

La brigade Dupuy, qui continue à suivre l’ennemi en déroute, entre pendant la nuit dans le Caire que les beys Mourad et Ibrahim venaient de quitter.

Le 4 thermidor, les grands de cette capitale se rendent à Gizeh, auprès du général en chef, et lui offrent de lui remettre la ville. Trois jours après, il y transporte son quartier général. Desaix reçoit l’ordre de suivre Mourad, qui avait pris le chemin de la haute Égypte. Un corps d’observation est placé à Elkanka pour surveiller les mouvements d’Ibrahim, qui se dirigeait vers la Syrie. Bonaparte en personne se met à sa poursuite, le bat à Salahie et le chasse complètement de l’Égypte, après quoi il revient au Caire. Chemin faisant, il reçoit la triste nouvelle que la flotte française venait d’être détruite presqu’en totalité par les Anglais, à Aboukir. Ce désastreux événement ne le déconcerta point : toujours impénétrable, nul ne s’aperçut de l’émotion qu’il devait éprouver intérieurement. Après avoir lu tranquillement la dépêche qui lui apprenait que lui et son armée étaient dès lors prisonniers en Égypte : « Nous n’avons plus de flotte, dit-il ; eh bien ! il faut rester ici, ou en sortir grands