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il courut risque de se noyer ; mais il était de sa destinée d’être encore longtemps heureux. Arrivé à Suez, il reçoit une députation d’Arabes qui viennent solliciter l’alliance des Français. Cependant, après quelques recherches, on retrouve des traces de l’ancien canal de Sésostris, et le but du voyage est atteint.

Sur ces entrefaites, on apprend que Djezzar, pacha de Syrie, s’est emparé du fort d’El-Arisk, situé dans le désert, à dix lieues de la frontière d’Égypte, qu’il est destiné à défendre. Ne doutant plus de l’imminence d’une guerre avec le Grand-Turc, le général résolut d’en prévenir les événements, et l’expédition de Syrie fut décidée.

De retour au Caire, il donne ordre à 10.000 hommes de se tenir prêts à marcher. Les généraux Bon, Kléber, Lannes et Régnier, commandent l’infanterie, le général Murat la cavalerie, le général Dammartin l’artillerie, et le général Dammartin du Falga l’arme du génie. Le contre-amiral Perrée doit, avec trois frégates, aller croiser devant Jaffa, et apporter l’artillerie de siège : celle de campagne est de 80 bouches à feu.

Régnier, qui commande l’avant-garde, arrive en peu de jours devant El-Arisk, s’empare de la place, détruit une partie de la garnison, et force le reste à se réfugier dans le château ; en même temps il met en fuite les Mamelucks d’Ibrahim et se rend maître de leur camp. Sept jours après son départ du Caire, Bonaparte arrive devant El-Arisk, et sur-le-champ il fait canonner une des tours du château. La garnison capitule deux jours après ; une partie des soldats prennent du service dans l’armée française.

Après soixante lieues d’une marche pénible dans le désert, l’armée arrive à Gaza ; elle s’y rafraîchit et s’y repose pendant deux jours. Trois jours après, on se trouve sous les murs de Jaffa. Cette place est entourée de hautes murailles, flanquées de tours. Djezzar en a confié la défense à des troupes d’élite ; l’artillerie est servie par 1.200 canonniers turcs. Il est de toute nécessité de s’en rendre maître avant d’aller plus loin. C’est un des boulevards de la Syrie ; son port offre un abri sûr à l’escadre : de sa chute dépend en grande partie le succès de l’expédition.

Tous les ouvrages extérieurs étaient au pouvoir des assiégeants ; la brèche était praticable, lorsque Bonaparte envoya un Turc au commandant de la ville pour le sommer de se rendre. Celui-ci le fait décapiter et ordonne une sortie. Il est repoussé et dès le soir du même jour les boulets des assiégeants font crouler une des tours, et malgré la résistance désespérée de ses défenseurs, Jaffa succombe. Deux jours et deux nuits de carnage suffirent à peine pour assouvir la fureur du soldat ; 4.000 prisonniers sans défense furent égorgés par ordre du général ! Cette barbare exécution a trouvé des apologistes : « Car, disent-ils, pour maintenir dans la soumission un nombre si considérable de captifs, il eût fallu en confier la garde à une escorte qui eût diminué d’autant les forces de l’armée ; que si on leur eût permis de se retirer en toute liberté, il était raisonnable de craindre qu’ils n’allassent grossir les rangs des troupes de Djezzar. »

Avant de quitter Jaffa, Bonaparte y établit un Divan, un grand hôpital, dans lequel furent reçus les soldats atteints de la peste. Des symptômes de cette affreuse maladie s’étaient manifestés parmi les troupes dès le commencement du siège. Un rapport des généraux Bon et Rampon avait donné de vives inquiétudes à Bonaparte sur la propagation de ce fléau. Afin de dissiper les craintes et de tranquilliser les esprits, il parcourut toutes les