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les armes, et qui ne sont pas militaires actifs.

À cette occasion, le sénateur Lacépède s’exprimait ainsi : « Voilà ce que le héros croit devoir faire pour rendre les frontières inviolables, pour tranquilliser les esprits. Voici ce que fait le père de ses sujets pour que ce grand bienfait exige le moins de sacrifices. Les cohortes du premier ban, se renouvelant par sixième chaque année, les jeunes gens qui en feraient partie connaîtraient l’époque précise à laquelle ils doivent revenir sous le toit paternel. Parvenus à l’âge où l’ardeur est réunie à la force, ils trouveront dans leurs exercices des jeux salutaires et des délassements agréables, plutôt que des devoirs sévères et des occupations pénibles ! »

La guerre avec la Russie, l’Angleterre et la Suède est imminente. Napoléon quitte Paris le 9 avril 1812, et se rend en Allemagne. Une réunion solennelle de têtes couronnées a lieu à Dresde ; l’impératrice Marie-Louise, l’empereur et l’impératrice d’Autriche, le roi de Prusse et plusieurs souverains de rang inférieur en font partie. Napoléon est le président, le directeur suprême de cette assemblée. Tous les individus qui la composent sont, de gré, ou de force, ses subalternes, ses courtisans ; chacun d’eux se présente à son lever, attend avec patience le moment où il pourra obtenir de lui une parole, un regard favorable. La satisfaction de lui avoir plu rayonne hypocritement sur tous ces visages germaniques, tandis que la haine et la soif de la vengeance sommeillent au fond des cœurs. C’est ce que Napoléon éprouvera au moment du revers, de la part de ces rois qui, maintenant, l’enivrent de tourbillons d’encens.

Cependant le comte de Narbonne avait été envoyé auprès d’Alexandre pour le déterminer, moyennant quelques concessions, à soutenir le système continental, moyennant, quoi la paix ne serait pas troublée, Le négociateur échoue dans sa mission. Il lui est répondu qu’on préfère la guerre à une paix sans honneur et peu certaine, qu’on ne commettra pas l’imprudence de se mesurer dans une grande bataille avec le monarque français, mais qu’on est résigné àr tout sacrifier pour traîner les hostilités en longueur, afin de lasser, dé dégoûter les armées qui entreront sur les terres de la domination russe.

Napoléon, méprisant de telles menaces et comptant toujours sur sa fortune, se rend sur le Niémen, bien résolu de marcher en avant, malgré les avis que lui donnaient des personnes réfléchies et expérimentées. Quelqu’un lui disait avec une courageuse franchise que la campagne de Russie pouvait décider du sort de sa dynastie et de sa propre existence, comme de l’avenir de la France. « Napoléon et sa fortune ! » répondit l’Empereur ; « que peuvent contre moi les éléments ? » On assure même que le prince russe Kourakin avait prédit à Paris les désastres qui attendaient Napoléon en Russie. Il se pourrait bien, au reste, que cette prophétie ait été faite après les événements.

Le 22 juin 1812, Napoléon déclare la guerre à la Russie, du quartier général de Wilkowiski : il apprend cette résolution à ses soldats en ces termes.

« Soldats, la seconde guerre de la Pologne est commencée ; la première s’est terminée à Tilsitt. À Tilsitt, la Russie a juré éternelle alliance à la France et guerre à l’Angleterre. Elle viole aujourd’hui ses serments. La Russie est entraînée par sa fatalité ; ses destins doivent s’accomplir. Nous croit-elle donc dégénérés ?… Marchons donc en avant ; passons le Niémen, portons la guerre sur son territoire. La seconde guerre de la