Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ayant perdu l’espoir de conserver la couronne impériale sur la tête de Napoléon, conçut le projet de la faire passer sur celle du roi de Rome ; c’est-à-dire de faire agréer une régence par les alliés. Les nombreuses et bonnes raisons qu’il fit valoir pour atteindre son but ébranlèrent les résolutions des principaux chefs de la coalition ; mais avant de se prononcer sur une affaire aussi importante, Alexandre réunit dans un grand conseil tous les personnages influents qui se trouvaient alors dans la capitale, et prenant la parole, il dit : « que chacun devait mettre de côté ses intérêts et ses opinions ; que ses alliés et lui-même étant dépouillés de tout sentiment de vengeance, il n’avait pour but que le bonheur de la France, gage de la tranquillité de l’Europe. Il faut donc décider, continua-t-il, quel est le gouvernement qui convient à la France pour atteindre ce but tant désiré. »

Les étrangers qui assistaient à cette réunion penchaient pour une régence, lorsque le lieutenant-général Dessoles, nommé par le gouvernement provisoire commandant de la garde nationale parisienne, prend la parole : « J’ai combattu, dit-il, pendant vingt ans, non les Bourbons, mais l’étranger. Quand Napoléon se mit à la tête des affaires, la France était non seulement délivrée, mais agrandie, mais l’esprit de conquête de l’usurpateur des libertés publiques mettant chaque jour en péril l’indépendance de la patrie, j’ai cru de mon devoir d’abandonner une cause qui n’était plus celle de la France, mais celle d’un seul homme. Les événements n’ont que trop bien justifié ma conduite comme citoyen… » Il ne voit plus de salut pour Napoléon et pour la France que dans la famille royale, le seul gage de la tranquillité de l’Europe ; que si l’empereur Alexandre a l’intention de révoquer la résolution qu’il a prise le 31 mars, il le supplie de faire donner des passeports à tous ceux qui, comme lui, se sont prononcés contre le gouvernement, et de leur accorder un asile dans lequel ils soient à l’abri des vengeances et des calamités qui vont fondre sur la France.

Alexandre, entraîné par l’émotion et par les paroles du général Dessoles, annonça à Caulincourt qu’il persistait dans sa déclaration du 31 et qu’en conséquence Napoléon devait abdiquer purement et simplement. Le duc de Vicence repartit de suite pour Fontainebleau, et rendit compte, pendant la nuit, à l’Empereur, de la décision fatale dont il était chargé. Napoléon voulait qu’il retournât à Paris pour obtenir des conditions moins dures, celui-ci s’y refusa, et, le plus puissant naguère des monarques du monde se vit forcé, après bien des hésitations, de signer la déclaration suivante :


« Les puissances alliées ayant proclamé que l’empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l’empereur Napoléon, fidèle à son serment, déclare qu’il est prêt à descendre du trône, à quitter la France et même la vie pour le bien de sa patrie, inséparable des droits de son fils, de la régence de l’Impératrice, et du maintien des lois de l’Empire.

« Fait en notre palais de Fontainebleau, le 4 avril 1814.

« NAPOLÉON. »


Cependant, le maréchal Macdonald était arrivé de Saint-Dizier avec son corps d’armée, et Napoléon se voyait à la tête de 30.000 hommes. Il sentit alors toute la valeur du commandement et de la position de Marmont. « C’est là, » disait il, « que s’adresseront toutes les intrigues, toutes les trahisons de Paris : il faut que j’aie à ce poste un homme comme Marmont, mon enfant, élevé dans ma tente. » Car Marmont était de ceux qui