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capitaine américain, l’illustre proscrit se rendit, le 15, au bord de l’amiral anglais. En mettant le pied sur le Bellérophon, il dit à son commandant, le capitaine Maitland : Je viens à votre bord me mettre sous la protection des lois de l’Angleterre. Au moment d’aborder le vaisseau, il dit au général Becker, qui l’accompagnait : Retirez-vous, général, je ne veux pas qu’on puisse croire qu’un Français soit venu me livrer à mes ennemis.

Le 13, il avait écrit de Rochefort, au Prince régent, la lettre que voici :

« Altesse Royale,

« En butte aux factions qui divisent mon pays et à l’inimitié des plus grandes puissances de l’Europe, j’ai terminé ma carrière politique. Je viens, comme Thémistocle, m’asseoir au foyer du peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de Votre Altesse Royale, comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis. »

Le prince régent ne répondit point : la Coalition avait décidé que si l’on parvenait à se saisir de Napoléon, il serait traité comme prisonnier, et conduit en cette qualité à Sainte-Hélène. C’est ce qu’il apprit dans la rade de Plymouth, le 30 juillet, d’un commissaire ministériel, chargé de lui notifier cette décision des puissances.

Plein d’une indignation trop bien justifiée, il dicta la protestation suivante :

« Je proteste solennellement ici, à la face du ciel et des hommes, contre la violence qui m ! est faite, contre la violation de mes droits les plus sacrés, en disposant, par la force, de ma personne et de ma liberté. Je suis venu librement à bord du Bellérophon ; je ne suis pas prisonnier ; je suis l’hôte de l’Angleterre. J’y suis venu à l’instigation même du capitaine, qui a dit avoir des ordres du gouvernement de me recevoir et de me conduire en Angleterre avec ma suite, si cela m’était agréable. Je me suis présenté de bonne foi, pour venir me mettre sous la protection des lois de l’Angleterre. Aussitôt assis à bord du Bellérophon, je fus sur le foyer du peuple britannique. Si le gouvernement, en donnant des ordres au capitaine du Bellérophon de me recevoir avec ma suite, n’a voulu que me tendre une embûche, il a forfait à l’honneur et a flétri son pavillon.

« Si cet acte se consommait, ce serait en vain que les Anglais voudraient parler désormais de leur loyauté, de leurs lois et de leur liberté. La foi britannique se trouvera perdue dans l’hospitalité du Bellérophon.

« J’en appelle à l’histoire : elle dira qu’un ennemi, qui fit vingt ans la guerre au peuple anglais, vint librement, dans son infortune, chercher un asile sous ses lois. Quelle plus éclatante preuve pouvait-il lui donner de son estime et de sa confiance ? Mais comment répondit-on en Angleterre à une telle magnanimité ? on feignit16 de tendre une main hospitalière