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Page:Mulsant - Félix Thiollier, sa vie , ses œuvres, 1917.djvu/37

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enthousiaste de Glück et de Beethoven, l’abbé Lacuria qui, en 1844 venait de publier sous son prénom de Gaspard, la première édition de son œuvre capitale : Les harmonies de l’Être, avait le génie de l’enseignement. Il savait éveiller l’intelligence des enfants, retenir leur attention par des explications lumineuses et toujours relier au Dieu de la Trinité catholique les conclusions qu’il tirait de l’étude des faits. Avec cela jovial, riant volontiers d’un bon rire qui illuminait ses grands yeux bleus. Les sciences mathématiques et physiques dont il avait exploré le tréfonds prenaient sur ses lèvres l’aspect de choses vivantes ; les nombres, les forces et les fluides apparaissaient comme des génies bienfaisants qui peuplent la nature et, agents divins, président à ses destinées.

À ses moments de liberté, il aimait à s’occuper de Félix Thiollier, alors âgé de cinq ans, et il exaltait son imagination par ses récits, pendant de longues promenades. Afin de le distraire, il écrivit deux contes de fées à la Perrault : L’Île de la Vérité et la Clef de Diamant, que son élève publia plus tard chez l’éditeur lyonnais Lardanchet[1].

  1. L’abbé Gaspard Lacuria naquit à Lyon en 1806. Élève du petit séminaire de Saint-Jean, il entra au grand séminaire et sut ordonné prêtre en 1836.
    Il fut attaché à la Manécanterie de Saint-Nizier, puis rejoignit à Oullins les abbés Dauphin et Chaîne qui venaient d’y fonder un collège. L’influence de son enseignement sur ses élèves fut extraordinaire, presque fluidique.
    Plongé dans l’étude des sciences, de la musique et de la philosophie transcendantale, il publia en 1844 la première édition de son ouvrage Les harmonies de l’Être, dont l’édition définitive a été imprimée en 1899 par les soins de M. René Philippon (Paris, 2 vol. Chacornac éditeur). Le caractère mystique de ce livre lui valut des critiques de ses confrères d’Oullins. Le découragement lui fit quitter l’école. Il accompagna à Paris la famille Thiollier, qui lui confia l’instruction de ses trois fils.
    À Paris, l’abbé Lacuria fit la connaissance de Gounod et, tout continuant la refonte de son livre : Les harmonies de l’Être, qui occupa toute sa vie, il écrivit une série d’articles sur la musique, de 1850 à 1865, pour la défense de Glück, de Beethoven et de Berlioz.
    Il habitait dans une rue sombre derrière le Panthéon, la rue Thouin, n° 11, une petite chambre que garnissait un mobilier sommaire et disparate.
    Les visiteurs y affluaient. C’étaient les Flandrin, Paul Delaroche, Chenavard, Gounod, Borel, Janmot, Trévoux, le physiognomoniste Ledos, le philosophe Blanc de Saint-Bonnet ; madame Saint-Cyr de Rayssac, nièce de Janmot et femme d’un poète oublié qu’Anatole France a fait revivre.