Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/386

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du Gouvernement. Tous ces pourparlers n’aboutissaient donc à rien autre qu’à faire maltraiter les plaignants un peu plus. Voyant cela, mon pauvre mari avait dit, que s’il n’y avait pas d’amélioration, avant la fin de l’année, il s’adresserait directement au Gouverneur-général. Cela se passait au mois de Novembre. Peu de temps après, il alla faire une tournée d’inspection. Le chef du district de Parang-Koudjang l’invita à dîner. Il accepta, et le soir même on le reconduisait chez lui, dans un état alarmant. Il criait, en montrant sa poitrine : c’est là que cela me brûle ! J’ai du feu dans l’estomac ! Et quelques heures après, lui, qui possédait une constitution robuste, et une santé à toute épreuve, quelques heures après, il était mort.

— Avez-vous fait appeler le médecin de Serang ? demanda Havelaar.

— Oui, mais trop tard. Il n’a soigné mon mari que pour la forme, sa mort ayant suivi son arrivée, de quelques instants, à peine ! Je n’osai pas faire part de mes soupçons au médecin, prévoyant, que, vu mon état de grossesse, il me serait difficile de quitter promptement cette demeure… et je craignais la vengeance de ses assassins ! J’ai appris, que, comme mon mari, vous luttiez contre les abus, qui règnent ici, et depuis ce moment, je n’ai pas une minute de tranquillité. Je voulais vous cacher tout cela, à vous, et à madame, pour ne pas troubler votre repos ; je me bornais donc, à surveiller l’esplanade pour que des étrangers n’eussent jamais accès dans votre cuisine.

Tine commençant maintenant à comprendre pourquoi madame Sloterin n’était jamais sortie de son ménage, et avait toujours refusé de se servir de sa cuisine, où il y avait bien place pour deux.