Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
L’AIGUILLE DES CHARMOZ

impossibles — comment à des moments critiques le sac s’accrochait à des éclisses de roc — comment le piolet se prenait dans les fissures pendant que les blessures de mes doigts de pieds devenaient plus béantes et plus larges et que la corde faisait ma taille toujours plus mince, en accord avec l’idéal moderne de la beauté féminine, tout cela est indélébilement fixé dans ma mémoire ; mais il y a des choses trop pénibles à dire, je me bornerai donc à raconter que sur certains rochers, pour me conformer aux idées à la dernière mode parmi les grimpeurs, je faisais à Burgener une conférence sur l’absurdité de l’usage de la corde, pendant qu’au même instant je prenais le plus grand soin de vérifier si le nœud était assez bien fait pour résister à toutes les conjonctures ; sur d’autres rocs j’étais tout juste capable de grimper en des attitudes nouvelles et originales, qui, je le crois encore en dépit de critiques contraires, auraient rendu célèbre un artiste assez habile pour saisir leur grâce et leur élégance, et lui auraient en plus apporté un élément très différent des modèles généralement adoptés. Sur d’autres rochers encore, j’usai d’une méthode d’avancement qui, j’ai le regret de le dire, a donné lieu à des discussions acharnées parmi les amateurs et les professionnels de la caravane ; on allégua du côté amateur qu’il n’y aurait aucune difficulté a grimper de semblables rochers si l’on n’était pas empêtré par le sac et le piolet, et du côté professionnel qu’un tour de taille de 45 centimètres, dont témoignait la corde, devait, pour de mystérieuses raisons, être pris en considération et enlever à son possesseur un peu de son mérite de grimpeur. Sans entrer dans plus de controverses sur une aussi pénible matière, je dois dire brièvement que, à 11 h. 15 mat., nous escaladions l’arête et que nous réjouissions déjà nos yeux de la vue du sommet.